Grégory Aranda : « Le Brésil, c’est un autre monde » – L’aventure sud-américaine d’un pilote français en quête de défis

En 2025, Grégory Aranda a troqué les pistes européennes contre les terres rouges et humides du Brésil, signant avec le 595 Racing, structure officielle KTM en Amérique du Sud. Engagé en Motocross et Arenacross, le Français a découvert un championnat où le professionnalisme des teams rivalise avec celui des GP, où les rivalités locales font rage, et où la chaleur étouffante teste autant les machines que les pilotes. Entre blessures, performances inattendues et immersion dans une culture moto unique, il revient sur une saison aussi intense qu’instructive.


🏁 Un départ sous le signe de la douleur : « J’ai commencé la saison sans entraînement »

Quand Grégory Aranda pose ses valises au Brésil, c’est avec une épaule en lambeaux et un moral d’acier. « Tous les chirurgiens en France voulaient m’opérer. Là-bas, ils m’ont proposé des infiltrations et des traitements nerveux… J’ai atterri trois semaines avant l’ouverture, sans pouvoir lever le bras », raconte-t-il. Diagnostic ? Tendon supra-épineux déchiré et trois côtes cassées. Pourtant, le pilote français refuse l’opération et se lance dans l’inconnu, dopé aux injections tous les 10 jours pour tenir la distance.

Résultat : une première manche en MX dans la boue, où il enchaîne une chute et une victoire. « C’était technique, glissant, avec un sol qui bétonnait après les arrosages. Des conditions que j’aime », précise-t-il. Mais le vrai choc, c’est le niveau des locaux : « Les Brésiliens roulent comme des dingues. Ils ont une condition physique de malade, et avec 40°C et 90% d’humidité, ils te bouffent en fin de manche ».

Pire, les accrochages s’enchaînent. Une nouvelle chute en cours de saison lui vaut une luxation acromio-claviculaire de stade 4. « Opération ou pas ? J’ai tenté sans. Aujourd’hui, j’ai toujours mal, mais ça tient », résume-t-il, philosophique. Malgré tout, il termine 3ᵉ de l’Arenacross et 5ᵉ du MX, avec des manches gagnées et un 1-2 en finale derrière Jeremy Van Horebeek.


🔧 595 Racing : Quand le Brésil dépasse l’Europe en professionnalisme

Ce qui frappe Aranda dès son arrivée, c’est l’écosystème moto brésilien, bien loin des clichés. « Franchement, tu hallucinerais. Le team 595 Racing, c’est comme Star Racing aux États-Unis », lâche-t-il. Dans les faits :

  • 15 à 20 personnes dans la structure, dont 6 mécanos pour 6 pilotes.
  • Moteurs “B” (niveau Jan Pancar en GP) livrés directement par KTM Autriche.
  • Sponsors locaux ultra-puissants (comme Protork) et une médiatisation massive : lives YouTube, conférences de presse, couverture TV.
  • Tous les pilotes sont rémunérés, même en 85cc. « En France, seuls les 4-5 premiers de l’Élite ont un team. Là-bas, même les juniors ont un salaire ».

« Après les USA, c’est le deuxième marché moto pour les Japonais. Honda, Yamaha, Kawasaki… Tous ont des teams factory », explique-t-il. Une réalité qui attire désormais des pilotes GP : « Van Horebeek veut revenir, et des mecs comme Coldenhoff ou Geerts discutent avec les teams. À 36 ans, si on me propose 100 000 $ pour 8 courses, je préfère ça que de galérer en MXGP pour 200 000 $ sur 20 GP ».


🌡️ Chaleur, humidité, et une culture moto en ébullition

Adaptation oblige, Aranda doit composer avec :

  • Des écarts de température extrêmes : « À São Paulo, c’était 17-20°C l’hiver. Mais en course, tu passes à 40°C avec 90% d’humidité. Sans entraînement, c’était l’enfer ».
  • Des pistes “tropicales” : terre rouge ultra-glissante, arrosée à outrance avant les manches. « Ça durcit et devient traître. Mais j’aime ça, c’est technique ».
  • Un public passionné : « Les entrées sont gratuites, mais il y a du monde partout. Les Brésiliens adorent leurs pilotes, surtout Fabio Santos [le local] ».

Côté ambiance, les rivalités Yamaha vs. Honda font rage, avec des teams qui s’espionnent et des stratégies d’équipe dignes des GP. « Honda aidait Rubini, Yamaha soutenait Santos… Moi, j’étais spectateur, et c’était drôle », sourit-il.


💰 Brésil vs. France : Le choc des réalités économiques

Le constat d’Aranda est sans appel : « En Élite française, tu fais un 4-4, tu repars avec 900 €. Si la course est à Rauville-la-Place et que tu viens du Sud, tu perds de l’argent ». Au Brésil, les contrats sont bien plus lucratifs, et les teams offrent un cadre digne des mondiaux.

« Serge Guidetty [GSM] m’a dit : “Vas-y, direct”. Même lui savait que la différence était trop grande », révèle-t-il. Une situation qui pousse de plus en plus de Français à l’expatriation :

  • Cédric Soubeyras en Australie.
  • Rubini et Aranda au Brésil.
  • Tixier en Allemagne, Bourdon aux USA…

« L’Élite ne permet plus de vivre. Les mecs qui font des top 5 doivent ensuite aller quémander des réductions chez leur concessionnaire. C’est triste », regrette-t-il.


🔥 2026 et après : « Tant que je prends du plaisir, je roule »

À 36 ans, Aranda n’a pas fini de vadrouiller :

  • Prolongation confirmée avec 595 Racing pour 2026 (MX + Arenacross).
  • Participation au Supercross Indien avec le team IndeWheelers (aux côtés de Desprey, Lamarque et Fonvieille).
  • Engagement en WSX avec GSM, malgré le conflit de dates avec le SX de Paris.

« Chaque année, je me dis que je vais arrêter dans deux ans. Mais quand tu t’entraînes, que ça marche le week-end, tu as qu’une envie : continuer », avoue-t-il. Malgré les épaules en carton, une cheville bloquée et des douleurs chroniques, la moto reste son échappatoire.

« Arrêter me fait peur. C’est comme si une première vie se terminait. Mais je kiffe trop pour m’arrêter maintenant ». Et si le Brésil n’était qu’une étape avant l’Inde, l’Australie, ou d’autres aventures ? « Pourquoi pas ? Tant qu’il y a des défis et des motos compétitives, je signe ! » 🏍️💨


🎤 Le mot de la fin : « Le Brésil, c’est l’avenir »

Entre niveau élevé, structures pro et passion débridée, le championnat brésilien séduit de plus en plus. « Dans 2-3 ans, tu vas voir débarquer des pilotes GP là-bas. Le marché est énorme, les teams sont sérieux, et les contrats valent le coup », prédit Aranda.

Quant à la France ? « Il faut sauver l’Élite. Aujourd’hui, les mecs préfèrent partir plutôt que de perdre de l’argent à chaque course. Dommage, parce que c’est là qu’on se forme ».

Une chose est sûre : Grégory Aranda, lui, n’a pas fini de faire parler la poudre – que ce soit sous le soleil brésilien ou les projecteurs du WSX. 🚀